Nous sommes un regroupement de juristes québécoisEs et, comme la majorité de nos concitoyenNEs, nous désirons vivre dans un Québec où la démocratie et le progrès social sont des valeurs prioritaires. Alors qu’une commission parlementaire de l’Assemblée nationale amorce ses travaux concernant les mesures anti-briseurs de grève, nous prenons aujourd’hui la parole pour dénoncer la situation inacceptable dans laquelle se trouvent trop de travailleurs et travailleuses au Québec.

De plus en plus, nous constatons que les conflits de travail sont marqués par des lock-out extrêmement longs ayant pour unique objectif l’épuisement moral et financier des salariéEs afin de les forcer à abandonner  leurs revendications légitimes. Le tout, dans un contexte où mondialisation et autres prétextes de compression alourdissent le cahier des demandes patronales.  Les employeurs agissant ainsi bénéficient de l’efficacité très relative des dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail du Québec, leur permettant souvent de continuer leurs opérations pendant des mois, voire des années, alors que leurs salariéEs se trouvent à la rue.  En effet, les nouvelles technologies et le recours à la sous-traitance  facilitent le recours en toute impunité par les employeurs à des briseurs de grève, étirant ainsi les conflits et forçant les salariéEs à se soumettre à des offres inacceptables.

De plus, ces mêmes employeurs réussissent très souvent à obtenir des injonctions fort généreuses accordées par la Cour supérieure ayant pour objet de limiter le droit au piquetage, anéantissant  à toutes fins pratiques le rapport de force fragile entre les employeurs et les salariéEs.  Ces lock-out détruisent des vies et des familles qui se retrouvent plus souvent qu’autrement sans le sous une fois les fonds de grève écoulés et sans la possibilité d’obtenir de l’assurance-chômage.

Et que dire des employeurs qui ferment des succursales de leur entreprise afin de faire échec à la syndicalisation et ce, sans en subir les conséquences?

Force est de conclure qu’actuellement, les lois québécoises en matière de relations de travail ne suffisent pas à maintenir l’équilibre du rapport de force entre salariéEs et employeurs dans la négociation de leurs conditions de travail.

Nous sommes d’avis qu’il est grand temps de moderniser notre Code du travail pour assurer l’exercice de la liberté d’association à tous les niveaux.  À court terme, cela signifie renforcer les dispositions anti-briseurs de grève pour interdire définitivement leur utilisation.  En ce sens, nous appuyons le projet de loi se trouvant présentement devant l’assemblée nationale.  Nous exhortons tous les députés à le soutenir pour mettre fin à l’impunité qui étire les conflits de travail et affecte la vie des travailleurs et travailleuses québécoisEs.

Cependant, ceci ne peut guère suffire. Ainsi,  nous croyons qu’à plus long terme, une refonte en profondeur du Code s’impose afin qu’il redevienne « l’expression concrète et le mécanisme législatif de mise en œuvre de la liberté d’association en milieu de travail au Québec » comme le définissait la Cour suprême du Canada dans la fameuse affaire Wal-Mart.

L’Association des juristes progressistes a été fondée en 2010 et vise à unir des avocates et avocats, des étudiantes et étudiants en droit et des travailleuses et travailleurs du domaine juridique dans un regroupement qui agit en tant que force politique et sociale au service de la collectivité, afin que les droits humains et socio-économiques soient considérés comme étant plus importants que la propriété privée, les profits ou les intérêts purement individuels.